L'absurdité logique met en évidence les insuffisances du langage qui ne peut traiter que des problèmes de désignation. Or tout ne se dit pas, ce que les philosophes logiciens comme Wittgenstein et Russell ont démontré. Ce dernier est notamment célèbre par son paradoxe du barbier : un barbier décide de raser tous ceux qui ne se rasent pas eux-mêmes : on peut d'abord penser qu'il ne se rasera pas ; dans ce cas il fait partie de ceux qui se rasent eux-mêmes en conséquence de quoi il se rasera ; mais s'il se rase, il confirme qu'il appartient à ceux qui ne se rasent pas eux-mêmes, contradiction. Les logiciens en concluent que ce barbier n'existe pas.

On mesure que pour soulever un tel lièvre, il faut radicalement se déprendre du sens conventionnel qui n'est pas le sens logique. Car un tel barbier existe même s'il n'est pas logique et tout le monde comprend qu'il se rase lui-même ou qu'il se rase chez un autre barbier au mépris de son affirmation. Ce qui est acceptable selon un critère logique peut ne pas l'être selon une réalité sociologique¹.

Bien sûr, l'expression usuelle ne s'embarrasse pas de logique, ce qui ne nous empêche pas de s'amuser des illogismes courants et fortement ancrés. Si je dis :il ne connaît rien à rien, tout le monde a compris qu'il y a abus de langage et qu'on veut dire par là qu'il ne connaît pas grand chose. Logiquement l'énoncé comporte une contradiction interne. Si je dis maintenant : il connaît tout de tout, le désaccord entre la logique et le sociologique disparaît. Existe-t-il, analogiquement, une situation du faire telle que les choses qui s'y font ne peuvent être dites en raison d'un illogisme ? J'ai beaucoup voyagé : j'ai fait la Chine, l'Australie, l'Antartique, etc. Cet énoncé étend abusivement le sens du faire, mais ce n'est remarquable que pour un esprit critique pour lequel pointe alors une prétention inacceptable : ceux qui le disent n'ont pas conscience de tout ce qu'ils disent. Le faire est cependant bien en cause, outillé par les véhicules de transport. On néglige couramment la mise en oeuvre d'une force technique en ne considérant que le résultat produit qui met le monde à notre portée, même magiquement. La convention pèse lourdement : un plus un font deux. Déboulonner cette certitude par la distinction de l'ordinal et du cardinal demande déjà une conscience de la relativité logique : dans quel ensemble sommes-nous ? Additionner l'ordre d'arrivée des coureurs peut avoir du sens, si s'agit de calculer le nombre de coureurs arrivés.

Ce qu'on fait n'est pas logique mais ergologique : faire un cube cela n'a pas de sens mathématiquement : c'est un cube en a un. Pour faire un cube, je peux utiliser du papier et procéder par découpage et collage. Finalement j'obtiens une apparence de cube et cela suffit même si, la réalité du volume présente des rabats en surnombre nécessités par le collage. Ainsi un cube tel qu'il s'est et tel qu'il se fait offre en réalité ergologique le démenti de ce qui est pensé en tant que cube. Un dé, par exemple est pensé comme un volume à six faces, mais pour faire rouler un dé, les angles sont des obstacles et le producteur averti arrondit les angles : de ce fait, le dé pensé comme un cube ne peut exister en tant que dé ; il est réaménagé ergologiquement pour rouler et il présente ainsi une boule réelle par érosion des angles, sinon une sphère virtuelle.

Maintenant, il y a à penser que la fabrication permet de pointer dans l'ouvrage des faits qui n'on pas d'utilité et qui existent bien structuralement. C'est ce qu'on peut appeler le hors d'oeuvre, par analogie avec le hors sens pointé par le grammairien René Jongen.

1Selon une réalité ergologique, ce barbier se rase, un point c'est tout, qu'il le fasse en s'aidant ou non de conducteurs barbiers ne change pas les dispositifs de rasage. Il fait seulement exister ou non un autre atelier, et spécifiquement, s'il se rase lui-même, l'importance du miroir pour une main qui ne se voit plus rasante de la même façon par inversion droite gauche de l'image.

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