Pourquoi relever les babioles ?

Pour faire valoir l'ergologie. Par l'ergologie, il ne s'agit plus d'analyser les gestes pour augmenter leur rendement, mais de mettre à distance une « organisation scientifique du travail » qui les rationalise en négligeant, sinon en excluant la technique de chacun. L'impératif est de faire valoir l'homo faber que nous n'avons pas cessé d'être, autrement dit une capacité technique manifestée en toute activité quotidiennement, professionnelle ou non.  C'est donc une rationalité qui est à relever, indépendamment de l'ingéniosité mise en oeuvre, une organisation implicite par laquelle nous opérons quelle que soit notre compétence technique.

Le propos invite à des expérimentations qui font le lien entre ergologie et arts plastiques. Hommage à Jean Gagnepain, célèbre anthropologue et linguiste, père de la théorie de la médiation (modèle d'analyse en sciences humaines) au cœur de laquelle l'ergologie est l'un des quatre piliers, Relevons les babioles est un vaste terrain d'aventures manipulatoires qui loin de s'interdire les jeux de mots y trouve les jalons des chemins d'une compréhension spécifique de l'activité. Hommage aussi aux artistes qui ont promu par l'humour la dimension technique du faire par des  pratiques foisonnantes, d'art et de vie, d'actions et de poésie tels Marcel Duchamp,  Robert Filliou, proche de Fluxus, mais aussi de l'art infâme, tel que le rapporte Jean-Yves Jouannais (L'idiotie).

Les objets de rebut et du quotidien ont pris une place importante dans l'art moderne et contemporain. De Pablo Picasso à Tony Cragg en passant par Marcel Duchamp, ils sont utilisés pour leurs qualités plastiques, formelles ou utilitaires. Ces artistes leur ont accordé une autre vie et leur ont apporté une dimension artistique. Ces recyclages et déplacements engagent une réflexion anthropologique, politique et sociale sur nos rapports à l'art, la société de consommation ou le cycle de la vie. La production analytique proposée aux divers publics s'inscrit dans ce courant artistique où les objets usuels du quotidien laissés à l'abandon dans nos tiroirs ou autres espaces de stockage, les babioles, sont récupérés et mis en relation dans des installations où sculpture, peintures et autres techniques se croisent et interagissent. Chacun peut faire œuvre, le produit fini est re-finalisé, replacé ailleurs, gagnant ainsi une autre fonction. Car les choses sont alors convoquées non pour leur usage mais utilisées pour voir ce qu'elles font, rendant chacun de nous manipulé autant que manipulant.

Dans ces dispositifs immersifs, le visiteur est invité à découvrir ce qui lie ces objets, voyageant en assemblages. Mais il ne s'agit pas d'enchaînements de causes à effets comme le proposent Peter Fichli et David Weiss dans Le cours des choses ; ici, pour montrer leurs relations d'analyse, les choses font sans bruit et selon les choix du regardeur.

Toutes ces expérimentations sont aussi une façon de décentrer l'homme, de le déplacer en relation avec un environnement outillé.

 

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